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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 06:20


L'ancien ministre de Jacques Chirac défend les Sages du Conseil constitutionnel et rejette l'idée de Xavier Bertrand de lier octroi de la nationalité à abandon de la burqa.

LE FIGARO. - Est-ce une bonne méthode, de voter une résolution puis des textes législatifs sur la burqa, comme le propose François Fillon ?

François BAROIN. - À partir du moment où la burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République, la conclusion logique et évidente, c'est de l'interdire. Non pour des questions religieuses. Chacun en est conscient aujourd'hui. Même Tariq Ramadan a rappelé que la burqa n'est pas une prescription religieuse. La question d'ailleurs est plus simple à traiter sur un plan politique que l'affaire du voile à l'école. J'avais rédigé en 2004 le rapport «Pour une nouvelle laïcité». À l'époque, on avait été confronté aux mêmes réticences. Il n'y a pas à s'offusquer que le groupe parlementaire ait affirmé une position de fermeté. C'est bien le moins que l'on attend.

Une simple résolution, comme le chef de l'État le souhaitait au départ, ne suffisait pas ?

La résolution est indissociable d'une loi. La résolution a la force d'un vœu dans une enceinte municipale. Et la force d'un vœu a le poids de l'espérance. C'est très bien, mais ça ne suffit pas. La loi, ça a la force de l'exigence.

Avec la loi, vous courrez le risque de l'inconstitutionnalité ?

Il y aurait un risque d'inconstitutionnalité sur une telle loi si elle était fondée sur des questions religieuses et si elle édictait l'interdiction générale dans l'espace public. Ce qui remettrait en cause le principe de laïcité et son application dans la distinction qu'il y a à faire entre la sphère publique et privée. Le texte que nous proposons avec Jean-François Copé et Nicole Ameline est juridiquement limité dans une application relative à l'ordre public. De mon point de vue, il n'y a pas de risque inconstitutionnel. De même qu'il n'y a pas de risque au regard de la Cour européenne des droits de l'homme. Car il faudrait démontrer que vivre masqué dans un pays comme le nôtre est un droit imprescriptible, inaliénable et sacré. Ce serait une jurisprudence encore plus spectaculaire que la burqa elle-même.

Que pensez-vous de la propositionde Xavier Bertrand de ne pas accorder la nationalité française aux femmes qui portent la burqa ?

Il est important que le texte de loi sur la burqa soit le plus simple possible. Il doit échapper au risque d'inconstitutionnalité et éviter d'être rejeté par la Cour européenne des droits de l'homme. De mon point de vue, l'angle de l'ordre public doit suffire. Lier l'acquisition de la nationalité au non-port de la burqa est un élément du débat. Encore faut-il que toutes les femmes qui portent la burqa soient étrangères. Cette proposition peut parfaitement figurer dans la résolution, mais pas dans la loi.

Êtes-vous d'accord avec François Fillon, qui veut repousser l'adoption de cette résolution après les régionales ?

On parviendra à trouver sans difficulté un consensus sur le calendrier. Que l'examen débute après les régionales ne me choque pas. Cela évitera à ce débat d'être pris en otage de façon clientéliste, comme le sont d'autres débats.

Vous pensez à ceux sur l'identité nationale ou le droit de vote des étrangers ?

C'est quand même une ficelle aussi grosse que rose que nous propose Martine Aubry en déposant une proposition de loi accordant le droit de vote aux étrangers. Pour ma part, ma position est stable et depuis toujours inchangée. Le droit de vote s'acquiert avec la nationalité et non pas avec le fait de payer des impôts.

Partagez-vous les critiques émanant notamment de Patrick Devedjian à l'endroit du Conseil constitutionnel, qui vient de censurer la taxe carbone?

La violence de certaines attaques est non seulement décalée, mais inutile, pour ne pas dire dangereuse. Il est difficilement acceptable, pour une question de principe - même si nous avons été déçus de ne pas voir une application rapide de cet engagement important -, de contester une décision du Conseil constitutionnel. Il ne faut pas s'éloigner de ce principe. Le Conseil constitutionnel a la très grande responsabilité de nous rappeler aux exigences de la Constitution. Je rappelle que le président de la République est le garant de nos institutions, il est le protecteur du Conseil constitutionnel et de ses décisions.

Que répondez-vous à ceux qui jugent les Sages trop chiraquiens ?

D'abord, je ne le vis pas comme une insulte. Et de tels commentaires sont à mi-chemin entre une grande puérilité et un profond irrespect. Les magistrats du Conseil constitutionnel agissent à la lumière de l'exigence de leurs fonctions. La Constitution n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas chiraquienne ou sarkozyste, elle est française. Et l'appliquer, sans rentrer dans ces attaques stupides, c'est la respecter, et inversement.

Propos recueillis par Bruno Jeudy

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