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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 12:13

...Par Jean-Louis Caccomo...


Le directeur de la C.I.A a dit un jour à l’occasion d’une conférence : « le renseignement est le plus vieux métier du monde ». Quelqu’un dans l’assistance lui rétorqua : « non, c’est la prostitution ! ». Alors il répondit : « vous avez raison, mais encore faut-il savoir où sont les prostituées ! ».

 

Depuis des millénaires, les rois, les reines, les empereurs et les généraux ont cherché à mettre au point des moyens de communication efficaces pour gouverner leur pays ou commander leurs armées. Dans le même temps, ils étaient conscients des risques encourus si leurs messages tombaient entre les mains de l’ennemi. C’est la crainte de ces interceptions qui fut à l’origine du développement des codes et des chiffres, qui sont des techniques utilisées pour déguiser un message afin d’en brouiller le sens. On doit à Jules César le fameux chiffre qui porte son nom.
Le souci de confidentialité a entraîné les nations à créer des services secrets, chargés d’assurer la sécurité des communications par l’invention et la mise en œuvre des meilleurs codes possibles. Parallèlement, les décodeurs ennemis s’acharnèrent à briser les codes. Ces activités ont donné naissance aux « services d’intelligence ». Il est remarquable de constater que l’affrontement séculaire entre les concepteurs de code d’un côté et les briseurs de codes de l’autre côté a nourrit une formidable avancées des sciences (notamment des mathématiques) et des techniques.
Dans ce domaine aussi, c’est souvent la compétition, voire l’affrontement, qui constitue un puissant stimulant pour la créativité et l’innovation. L’issue de la seconde guerre mondiale a tenu à la capacité des services secrets alliés à briser le système de chiffrage nazi (fondé sur l’utilisation de la machine « Enigma », sans doute la première machine électromécanique à coder).

 

L’intelligence économique a donc une origine militaire. L’intelligence militaire fut très tôt basée sur la technique du cryptage. Le cryptage est un moyen de protéger notre intimité, ou de garantir aujourd’hui le succès des marchés électroniques. Mais la demande croissante et légitime du public en matière de cryptage – protection de la vie privée – se heurte à la nécessité d’appliquer les lois et d’assurer la sécurité nationale. Le débat autour du secret bancaire illustre ce propos. Le secret bancaire est une aspiration légitime des titulaires de comptes (personne n’apprécie que l’on fouille dans ses comptes au nom de la transparence) et un service fondamental offert par la banque à ses clients de la même manière que le secret médical est ce qui permet de créer une relation de confiance entre le médecin et son patient. Mais le secret bancaire permet aussi de couvrir des activités illicites contre lesquelles les Etats ont le devoir de lutter.

 
Pendant des décennies, la police et les services secrets ont utilisé des écoutes pour déjouer les plans des terroristes ou lutter contre la criminalité organisée, mobilisant des techniques de plus en plus sophistiquées dont l’Etat avait le monopole. Mais les hommes de pouvoir peuvent invoquer la raison d’Etat pour pratiquer des écoutes bien illégitimes et détourner ces outils à des fins personnelles. C’est pourquoi les défenseurs des droits individuels poussent à l’usage répandu du cryptage pour préserver l’intimité de nos vies privées. Pareillement, les entreprises (notamment les banques) réclament un cryptage sûr pour le développement de leurs propres réseaux d’informations et pour protéger leurs informations sensibles. Ainsi, les acteurs privés peuvent disposer librement des outils autrefois réservés aux seuls services secrets.

De leurs côtés, les forces de l’ordre font pression sur les gouvernements pour qu’ils restreignent l’usage privé du codage. Au nom de la lutte contre le blanchiment de l’argent sale ou de la fraude fiscale, les services du fisc défendent des arguments similaires. Il y a toujours un arbitrage difficile à faire : à quoi attribuons-nous le plus de prix, au respect de notre vie privée ou à une police (une sécurité) plus efficace ? On retrouve le dilemme plus fondamental entre liberté et sécurité.

 

Les militaires considèrent que la première guerre mondiale fut la guerre des chimistes, parce que le gaz moutarde et le chlore y furent employés pour la première fois. De la même manière, la deuxième guerre mondiale avait été celle des physiciens, en raison du recours ultime à la bombe atomique. S’il devait y avoir une troisième guerre mondiale, elle serait la guerre des mathématiciens, dans la mesure où ces derniers contrôleront la prochaine arme de guerre déterminante : l’information. En tout cas, l’information est déjà l’argument de la compétition économique et l’instrument de l’intelligence économique.

 

Jean-Louis Caccomo,

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