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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 10:17
Au lycée l'économie n'est pas sociale ni solidaire 

Après moult polémiques entre enseignants, lepro gramme de sciences écono miques et sociales (SES) pour les classes de pre mière ES (filière écono mique et sociale) vient d'être approuvé par rien moins que le Conseil supé rieur de l'éducation (CSE).

Las ! On cherchera en vain dans le texte que nous publions ci-joint, la moindre référence à l'économie sociale, à l'économie solidaire, aux coopératives ou aux mutuelles. Si les associations sont citées, c'est pour leurs avantages fiscaux ou les réseaux sociaux...

Misère de l'esprit à l'heure où le monde cherche à refonder son économie et où, en France, le rapport Vercamer sur l'économie sociale et solidaire (que Tessolidaire.com évoque par ailleurs) a fait naître des espoirs d'enseignement de ces disciplines déjà donc déçus...

Misère de l'esprit aussi pour notre monde enseignant qui a eu voie au chapitre sans revendiquer l'apprentissage de cette dimension. Et pour cause : la plupart de ses leaders, rivés aux logiques des services publics d'état, ignorent ou ne veulent pas savoir qu'il est d'autres moyens économiques de servir également l'intérêt général.

Plus grave, ce n'est que dans très peu de cursus universitaires ou de grandes écoles que les jeunes qui étudieront découvriront l'ESS.

Pour ceux qui ne franchiront pas la barrière du bac, peu de chances aussi qu'on leur explique la fonction économique du volontariat civique qu'ils effectueront peut-être ou de l'association d'insertion qui les accueillera...

Ainsi va un monde et une France à la dérive qui ont des alternatives humanistes, démocratiques, durables et porteuses de liens sociaux et de cultures nouvelles à la portée de leur intelligence mais qui ne veulent même pas les reconnaître ni les enseigner.

Heureusement qu'il y a des cancres de la pensée unique, des sauvageons de l'esprit critique, des jeunes rebelles et révoltés, des Rimbaud contre les Rambos qui, dans tous les domaines de l'ESS, refusent dès l'adolescence de penser en rond et s'enthousiasment à conjurer le sombre avenir que leurs aînés leur préparent, même à l'école.

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9 juillet 2010 5 09 /07 /juillet /2010 10:02
 

Grande distribution : 
des pratiques commerciales toujours aussi contestables


Le Cerf salue le travail de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) présidée par la députée Catherine Vautrin. Cette commission s'est penchée sur les relations entre les PME et les distributeurs dans le cadre de la commercialisation de produits de marques de distributeurs (MDD). Encourager la signature de contrats pluriannuels afin de sécuriser les investissements des industriels et interdire la facturation de mise en avant de MDD à des fournisseurs ne faisant pas la promotion de leur propre marque mais celle des enseignes, sont des recommandations de bon sens. Le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, Jérôme Bédier, s'est engagé à suivre les préconisations de la CEPC. Le Cerf jugera les bonnes intentions des grandes enseignes aux résultats des enquêtes réalisées sur le terrain.

Le Cerf se réjouit également que l'Autorité de la concurrence ait décidé d'enquêter sur le secteur de la grande distribution où de grandes enseignes sont soupçonnées de fausser la concurrence. Les entreprises qui se rendent coupables d'abus de position dominante, se verront appliquer des sanctions financières dissuasives. Le Cerf attend également à la rentrée, les jugements des neufs distributeurs assignés par le secrétaire d'Etat aux PME, Hervé Novelli, pour des pratiques abusives avec des fournisseurs1.. Le Cerf avait pourtant averti le gouvernement et les parlementaires au moment de la présentation de la Loi de Modernisation de l'Economie2 : la libéralisation des mètres carrés commerciaux ne mettrait pas fin aux abus des grandes enseignes en raison de la position dominante des cinq centrales d'achat qui contrôlent le marché, les prix et les produits qui pourront figurer sur les linéaires des magasins au détriment des fournisseurs, des producteurs et des consommateurs. Le Sénateur Gérard Cornu avait à cette époque repris à son compte le constat du Cerf et avait appelé à une réforme structurelle de la distribution.

Le Cerf attend donc beaucoup de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali qui doit présenter ce mois-ci des propositions de nouvelles réformes à engager pour dynamiser la croissance. Le premier rapport remis en janvier 2008 ne s'attaquait pas au coeur du problème de la grande distribution : l'oligopole des cinq centrales d'achat, pourtant signalé par le Cerf qui défend le rétablissement de la concurrence à l'entrée des magasins. Les Créateurs prônent ainsi la suppression du lien d'exclusivité qui existe entre les centrales d'achat et les réseaux de distribution. Un lien à l'origine de toutes les dérives constatées et de la création de situations dominantes voire monopolistiques inacceptables. Pour le Cerf, cette mesure permettrait notamment de garantir la diversité de l'offre, de favoriser l'innovation, et d'introduire davantage de concurrence sur les prix. 
 


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8 juillet 2010 4 08 /07 /juillet /2010 09:56
Jean-Marie Bockel : « Les socialistes se complaisent dans le populisme »
Secrétaire d'Etat à la Justice, Jean-Marie Bockel réagit aux démissions de Christian Blanc et d’Alain Joyandet et dénonce les attaques du PS.00

Transfuge du  lors de son entrée au  en 2007, Jean-Marie Bockel est aujourd'hui secrétaire d'Etat à la . Il est le président de la Gauche moderne, petit parti partenaire de l'UMP.

Alain Joyandet et Christian Blanc ont annoncé qu'ils démissionnaient. Une bonne chose pour le gouvernement ?
JEAN-MARIE BOCKEL. 
Le président de la République et le Premier ministre ont eu raison de clarifier une situation qui devenait intenable pour tout le monde.

A commencer par les intéressés, qui, par cette démission, ont agi avec dignité.

Il y aura également un remaniement en octobre. Est-ce que vous vous sentez visé ?
C'est pareil à chaque fois. Il y a des noms qui circulent et on s'aperçoit, au final, que les choses ne se sont pas passées comme elles étaient écrites. Personnellement, je ne me sens pas dans le collimateur.

Et Eric Woerth peut-il se sentir menacé ?
Avant d'entrer au gouvernement, je ne le connaissais pas. Aujourd'hui, c'est peut-être celui que j'apprécie le plus parmi les membres de l'UMP. Je n'ai aucun doute sur son intégrité. Dans la tempête, il faut tenir bon et être solidaire. Moi, j'ai connu la période Strauss-Kahn (NDLR : en 1999, à l’époque ministre de l’Economie du gouvernement Jospin, DSK avait dû démissionner après une succession de révélations dans des affaires, notamment celles la Mnef et de la cassette Méry). Et j'ai vu comment certains, dans son propre camp, avaient pris leur distance. Ça m'avait beaucoup choqué et déplu.

Vous incarnez la politique d’ouverture, mais êtes-vous encore indispensable ?
L'ouverture a changé. Maintenant, nous sommes dans la mère des batailles : celle de la présidentielle de 2012. Nicolas Sarkozy, pour la poursuite de ses réformes, va avoir besoin d'un marqueur social ancré à gauche. Aujourd'hui, encore beaucoup de gens ne se reconnaissent plus dans le Parti socialiste. Et pour un certain nombre d'électeurs de gauche et de centre gauche, j'incarne avec la Gauche moderne cette sensibilité au sein du gouvernement. C'est ça mon pari.

Vous semblez dur avec vos anciens camarades...
J'ai vraiment honte pour eux. Ils se complaisent dans le populisme et ne sont pas porteurs d'un projet. Ils n'ont pas réussi leur mue. Le PS n'existe plus que dans la critique systématique, voire ad hominem.

Donc, même si vous quittez le gouvernement, vous continuerez de soutenir Nicolas Sarkozy ?
Oui, car il est l'homme de la situation. Il n'y aura pas de retour en arrière. Quoi qu'il arrive, je le soutiendrai.

Vous avez pourtant parfois du mal à exister au sein du gouvernement...
Tout le monde le sait : le fait d'être un secrétaire d'Etat sans périmètre précis, c'est une difficulté. Mais je ne me sens pas du tout comme le Petit Chose et encore moins dans la paranoïa ou comme quelqu'un de persécuté. Moi je fais le job, et sans état d'âme !

Comment ?
Notamment dans le suivi de la mise en œuvre de la carte judiciaire, une des réformes majeures de la précédente période. Et puis, j'ai engagé des dossiers en lien avec ma sensibilité politique, comme la création des prisons sans barreaux ou encore la prévention de la délinquance des mineurs.

 

 

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 03:37
 



Une vingtaine de députés européens s'attaque au lobby financier. Ils lancent un appel pour faire émerger une expertise indépendante sur les activités menées sur les marchés financiers par les principaux opérateurs - banques, compagnies d'assurance, hedge funds. Ces eurodéputés issus de neuf pays de l'Union et des principaux groupes représentés au Parlement européen, s'inquiètent de l'absence de contre-pouvoir issu de la société civile (ONG, syndicats, think tank.). Les eurodéputés constatent, en outre, une "forte proximité des élites politiques et financières" et considèrent que ce contexte "constitue un frein certain à la capacité du personnel politique à prendre des décisions en toute indépendance", et représente un danger pour la démocratie.

Le Cerf soutient la démarche des députés européens qui s'inscrit dans la lignée de notre action : en effet, depuis sa création en 2003, le Cerf a alerté les pouvoirs publics sur le détournement des liquidités de l'économie réelle et la financiarisation de l'économie privant les entreprises et en particulier les plus petites d'entre elles, du crédit nécessaire à leur activité. Le Cerf dénonce également avec constance l'abus de position dominante des banques à l'égard de TPE-PME qui leur permet de mener une politique assise sur le contrôle du crédit pour générer des frais bancaires très rémunérateurs. Cette attitude a eu un effet amplificateur et accélérateur de la crise et est à l'origine d'un nombre conséquent de destruction d'entreprises et d'emplois.

Depuis le déclenchement de la crise financière début 2008, le Cerf n'a eu de cesse d'alerter le gouvernement sur le resserrement du crédit malgré les engagements pris par les banques auprès de l'exécutif : les Créateurs ont en particulier, fait parvenir à l'Elysée, Matignon et Bercy des témoignages de chefs d'entreprise sur leurs difficultés à poursuivre leur activité faute de soutien financier. Aujourd'hui encore, de trop nombreuses entreprises n'ont pas accès au crédit. Enfin, face au puissant lobbying des banques et en l'absence de mesures fortes pour encadrer leurs activités, le Cerf a lancé une pétition pour un droit au crédit opposable et contre les frais bancaires abusifs.

Le Cerf espère donc que cet appel sera signé par le plus grand nombre d'eurodéputés, d'élus mais aussi de citoyens : tout le monde est affecté dans son quotidien par la crise financière et les banques continuent de faire pression sur les gouvernements pour que les règles du jeu ne changent pas. Cependant, le Cerf demande aux auteurs de cet appel d'être très vigilants et de contrôler avec le plus grand soin les « bonnes volontés » qui se manifesteront pour créer cette contre-expertise : les lobbies, économiques ou politiques, savent avancer masqués et peuvent, à l'occasion, financer des ONG officiellement présentées comme des contre-pouvoirs indépendants pour, en réalité, défendre leurs propres intérêts. Ainsi, il faut s'interroger sur les agences de notation qui dégradent les notes de banques ou d'Etats européens, mais restent étrangement muettes quand il s'agit du niveau d'endettement de certaines économies anglo-saxonnes et de la fragilité de leurs banques.


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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 09:31

Fadela Amara vit-elle son dernier été de secrétaire d'Etat ?

 

Tous les indices tendent à prouver que ses jours sont en effet comptés au sein d'un gouvernement appelé à être remanié à l'automne prochain. Certes, l'affaire de l'hébergement de quelques jours de sa famille dans son logement de fonction n'a pas arrangé sa situation. Alors qu'elle habite toujours dans le 13e arrondissement, le fait d'avoir cru pouvoir s'exonérer de l'exemplarité républicaine, souvent convoquée dans les mots, rarement appliquée à sa personne, a rétréci son espérance de vie ministérielle.

 

Dans l'entourage du Président de la République, le calage de son Plan Espoir Banlieue ne milite pas en sa faveur. Sans vouloir défendre F. Amara, il est bon de rappeler que la politique de la ville relève de l'action interministérielle et que l'échec supposé du dit Plan concerne tous les ministères. En la matière, donc, l'hypocrisie règne. Enfin, la relative liberté de parole de Fadela Amara est forcément mise à mal dans un contexte de droitisation du gouvernement. Sur certains sujets -tests ADN pour les sans-papiers, débat sur l'identité nationale, etc.-, cette femme originellement de gauche n'a pu répondre avec la même spontanéité qu'un élu UMP moulé dans un corpus de références qui lui firent défaut. Nicolas Sarkozy ayant décidé de couper le robinet de l'ouverture au lendemain de l'échec des régionales, F. Amara, prise en étau sur un secteur plus spontanément ancré à gauche, se trouve donc isolée, à sa gauche et à sa droite.

 

On ne conjecturera pas sur le fait de savoir si une telle éviction serait justifiée ou pas.

 

La politique de la ville est depuis longtemps la mauvaise conscience de l'Etat français. Tant qu'une telle action ne sera pas rattachée directement au tableau de bord du Premier ministre, les déplorations autour de son utilité ne cesseront jamais de rivaliser en prouesses lexicales. Dans les cités difficiles, c'est l'Etat qui échoue et pas un ou une ministre, de droite comme de gauche, au pouvoir d'intervention très limité...

 

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 02:09

Vous l'aurez compris, la stupeur provoquée par le comportement de Nicolas Anelka en équipe de France est ressentie diversement selon son lieu d'habitation. Dans les cités, à Trappes, les jeunes estiment qu'il a dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, à savoir que Raymond Domenech n'était pas, depuis 2008, l'homme de la situation.

Dans les banlieues, les mots se livrent à une guerre de positionnement. A la vulgarité palpable, immédiate, servie avec les jurons d'usage se frotte le métalangage sociologique, la façon de nommer les cités, les zones de relégation, les aires de désocialisation, etc. Les mots n'enferment pas les territoires, ils les identifient, les préconçoivent, les habillent d'une représentation anticipée. Entrer dans une cité, c'est entrer dans ce que l'on a pu entendre dire d'elle et même si la réalité croise malheureusement la représentation, la force symbolique des mots exerce la fameuse double peine, la stigmatisation, certes, mais surtout l'impossibilité d'en sortir.

Il est stupéfiant de constater à quel point les choses s'écrivent avant même de se dérouler. A Charléty, à la suite de la défaite de l'équipe nationale algérienne contre les Etats-Unis, les jeunes ont  brûlé quelques voitures. Comme s'ils étaient poussés par une force symbolique irrépressible. Cela tombe bien, les "flics" les attendaient, dans la ritualisation de la violence, la violence collective ne se déployant que parce qu'elle est redoutée. On peut presque lister les incidents à venir, autour d'évènements heureux ou malheureux (la victoire de l'OM, le feu d'artifice du 14 juillet, le jour de l'an, etc.) A Marseille, avant le même match, dans les quartiers populaires, les Français d'origine algérienne font la fête, en famille, heureux de partager ce moment d'unité nationale. On en parle moins. Rien ne se passe, si ce n'est la manifestation histrionique d'une déception vite oubliée le lendemain (c'est quand même ça, le foot, ce soit disant méga-phénomène sociétal, une occasion de distraction dont l'hystérie qu'elle provoque n'est que momentanée et quand bien même le pire survient, le foot n'est que le prétexte d'une autolyse collective sur le cadavre d'une misère sociale qui trouve là l'occasion de se trucider).

Sur les ondes de Sky Rock, on soutient Nico. Les jeunes en rap estiment que la vulgarité est de l'autre côté, du côté des institutions, de la rive endimanchée à qui l'on excuse les pires turpitudes (lire la collection des derniers Canards enchaînés du mois).

La vulgarité, c'est Domenech. L'absence de panache, le fait de rester quand tout le monde veut le voir partir, le cynisme à l'état pur, l'incompétence érigée en mode de gouvernance. Ah, certes, dans les élites, on ne va pas se faire " enculer entre fils de pute " aussi simplement. On" s'encule "différemment, si j'ose dire (voir les conditions d'éviction de Guillon et de Porte de France Inter).

La crise morale d'un pays est une affaire de mots, de silences, de non-dits, d'incommunicabilités, d'errances individuelles. Franchement, on se "fout" du parcours footballistique de l'équipe de France. Le chauvinisme n'est qu'un prétexte ludique quand il ne sert pas à faire chuter un pouvoir solidement scellé. Moi, devant ma " téloche ", je joue mon gros " beauf " sans vergogne et retourne le lendemain sans peine vers Mallarmé (je ne dis pas ça pour faire le bouffon, juste pour ramener le foot a ce qu'il est, un rien ludique, une occasion de fête...). C'est à nous de juger de la portée des vulgarités, l'incompétence anoblie, excusée ou le pétage de plombs d'un joueur issu de Trappes dont les mots revolvérisent forcément la représentation minimale que l'on a d'un échange langagier. Pour ceux qui ne connaissent pas la banlieue, les meilleurs amis du monde se traitent de noms d'oiseaux pour se dire bonjour. C'est comme ça. Quant à l'exemplarité, proférée par certains commis d'Etat, elle ne passe pas. Sa manifestation est morte née. Notre malheur collectif est là : la fin des exemplarités stellaires, l'impossibilité de s'accrocher à un quelconque wagon éthique. Cherchez : la politique, le pape, le foot, i-pad, etc. Rien, trois fois rien.

Nous dressons chaque jour des procès verbaux d'amoralités. Il faut mettre un terme rapidement à ce sadomasochisme collectif.

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 06:53
 – Chat Le monde.fr, avec Jean-Marie Bockel

EXTRAITS

André : Où en est la réforme du juge d’instruction ?

Jean-Marie Bockel : Un travail très important a eu lieu autour de la garde des sceaux, car c’est toute la procédure pénale qui sera réformée (plusieurs centaines d’articles du code pénal). La concertation s’est engagée depuis plusieurs mois. Cette réforme est inéluctable. Reste à en fixer le calendrier en fonction d’un certain encombrement parlementaire actuel. L’avant-projet de réforme comporte de nombreuses avancées en matière de libertés, d’accès au droit, de collégialité dans les décisions importantes, de renforcement des droits de la défense.

Benoit : Croyez-vous que le parquet est indépendant du pouvoir politique ?

Jean-Marie Bockel : Au quotidien, l’indépendance du parquet se manifeste tous les jours, y compris sur des dossiers sensibles. Tous les pays démocratiques reconnaissent la nécessité de donner au parquet des indications sur la politique pénale du pays. Le système français se caractérise par le mode de désignation des magistrats du parquet. La réforme en cours du Conseil supérieur de la magistrature devrait renforcer encore l’autonomie du parquet. La Cour européenne des droits de l’homme ne nous a pas condamnés, mais des évolutions sont possibles, mais elles supposent une réforme de la Constitution.

………..

Clovis : Mme Alliot-Marie propose l’instauration d’un numerus clausus chez les avocats. Il est déjà difficile de trouver un avocat pour un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, ne pensez-vous pas qu’une telle mesure risque de porter atteinte au droit d’accès à la justice des plus pauvres ?

Jean-Marie Bockel : Cela pose surtout la question, bien réelle, du financement de l’aide juridictionnelle (près de 300 millions d’euros sur le budget de la justice actuellement). C’est pourquoi nous travaillons actuellement, en concertation avec le barreau, à un complément de financement hors budget (de type assurance) qui permettra notamment une présence plus importante de l’avocat lors des gardes à vue dans le cadre de la réforme du code de procédure pénale. Et sans que cette mesure soit réservée aux plus fortunés.

Benoit : Vous présenterez-vous à la présidentielle de 2012 ?

Jean-Marie Bockel : La Gauche moderne, formation politique à l’aile gauche de la majorité, que je préside, n’a pas vocation aujourd’hui à présenter un candidat à l’élection présidentielle. J’ignore si nous allons vers une primaire au sein de la majorité et quel choix nous ferions dans cette hypothèse.

Je n’ai donc pas vocation aujourd’hui à me présenter à cette élection.

Arthur : Que pensez-vous des projets de candidature de Hervé Morin (Nouveau Centre) pour la présidentielle ?

Jean-Marie Bockel : Je peux comprendre l’intérêt d’une candidature qui permettrait, en recueillant des voix allant du centre droit au centre gauche, d’élargir au premier tour les assises de la majorité. Qui est le mieux à même d’incarner, le cas échéant, cette stratégie ? Hervé Morin est-il en capacité de recueillir des voix au-delà de la droite ? M. Borloo n’aurait-il pas davantage ce profil ? Le critère de succès d’une primaire au sein de la majorité, c’est d’élargir la majorité et non pas de mettre le président de la République, s’il se représente, en difficulté alors qu’il doit être nettement en tête au premier tour pour avoir toutes les chances de l’emporter au deuxième.

……..

Gilles : Quels sont les dossiers que vous laisse la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie ?

Jean-Marie Bockel : Faute de périmètre précis dans le cadre de mon décret d’attribution, nous sommes convenus que j’assure le suivi de la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire, ainsi que les questions européennes. Je me suis beaucoup impliqué sur ces dossiers depuis un an en étant très présent sur le terrain. Cela ne m’empêche pas de m’engager également sur les questions pénitentiaires à travers la mise en œuvre de la nouvelle loi pénitentiaire et en lançant de nouveaux concepts comme celui de prison ouverte. J’ai par ailleurs engagé une réflexion très concrète sur la prévention de la délinquance des mineurs et des jeunes majeurs, qui fera l’objet d’assises à l’automne. Je suis par ailleurs très présent sur les questions parlementaires.

………..

Fred : Quelle est votre position sur le mariage et l’adoption par les couples homosexuels ?

Jean-Marie Bockel : J’ai voté le PACS comme député. Je ne suis personnellement pas favorable au mariage homosexuel, considérant que le PACS, qui est d’ailleurs régulièrement réformé, apporte des réponses suffisantes. S’agissant de l’adoption, je n’ai pas d’opposition de principe à la présence d’enfants adoptés au sein d’un couple homosexuel, mais je suis attaché à l’idée de l’altérité homme-femme, symbolisée par le mariage. C’est, je crois, la position de Sylviane Agacinski, qui a écrit des choses très justes et très mesurées sur ce sujet délicat.

Clovis : Le garde des sceaux a évoqué la création d’une nouvelle juridiction pénale, composée exclusivement de magistrats. Or nombre d’avocats préfèrent déjà passer en assises que devant le tribunal correctionnel… Qu’en pensez-vous ?

Jean-Marie Bockel : Cette réflexion – car il s’agit pour le moment d’une simple réflexion – répond à un vrai sujet : l’encombrement des cours d’assises malgré de très nombreuses correctionnalisations d’affaires criminelles et la lourdeur de la procédure. Nous ne sommes qu’au début de cette réflexion, qui passera forcément, si nous devions poursuivre dans cette direction, par la détermination de critères clairs et acceptables pour définir ce qui, dans ce cas, continuerait à relever de la cour d’assises avec jury populaire telle qu’elle fonctionne aujourd’hui depuis plus de deux siècles en France.

L’ancien avocat que je suis souhaite qu’on se donne réellement le temps de la réflexion sur un sujet qui n’est pas aujourd’hui prioritaire.

Alfred : Pensez-vous que votre idéal social-libéral soit en phase avec la politique sarkozyste?

Jean-Marie Bockel : Pour l’essentiel, oui. D’autant que la crise majeure intervenue en 2008 a amené le président sur des positions très volontaristes sur le plan économique et social, tant au niveau français qu’européen (on l’a vu pendant sa présidence française), voire mondial, avec l’instauration du G20, dont il fut l’initiateur. Aujourd’hui, nous rassemblons à la Gauche moderne des personnes qui avaient voté oui en 2005 et des personnes qui avaient voté non au référendum sur le traité de Lisbonne. Nous nous retrouvons ensemble dans cette démarche volontariste qui transcende les clivages, face à un Parti socialiste qui semble ne pas avoir pris la mesure du monde d’aujourd’hui, à quelques exceptions près.

Cela dit, la Gauche moderne entend bien se différencier de la droite et apporter ainsi sa contribution à la réussite des réformes à travers des propositions originales sur les grandes questions du moment (retraites, fiscalité, etc.).

Alpha : Quel regard votre formation, qui se définit comme sociale-libérale, porterait-elle sur une candidature de Dominique Strauss Kahn en 2012 ? Serait-ce de nature à cliver les positions ou à faire imploser le mouvement ?

Jean-Marie Bockel : Tout d’abord, je crois peu à cette candidature. J’étais en effet proche de DSK en 2002, après l’échec de Jospin, et lui avais à l’époque conseillé de se lancer dans la bataille, d’abord interne au PS, autour des idées sociales-libérales que nous partagions. Il a manqué d’audace à l’époque et on a bien vu comme il a laissé passer sa chance. Ce genre de train ne passe pas deux fois. En ce qui me concerne, je crains que même Dominique Strauss-Kahn, qui n’a pas osé réformer le PS quand il était en capacité de le faire, ne soit prisonnier d’une doctrine politique qui n’est pas la sienne mais qui seule permettrait, dans le contexte actuel, de rassembler son camp. Comment faire campagne présidentielle dans une position qui serait aussi complexe et insincère ? Pour moi, Nicolas Sarkozy, même si la période actuelle est très difficile, aura l’avantage de la clarté dans le projet qu’il proposera aux Français. Voilà mon analyse aujourd’hui.

Max : Dominique Strauss-Kahn pourrait-il mener une politique de gauche blairiste, politique à laquelle vous êtes tant attaché ?

Jean-Marie Bockel. Je n’aime plus le terme « blairiste » car il correspond à une époque aujourd’hui révolue, même s’il constitua en son temps un vrai progrès dans la pensée et dans l’action politiques. Je répondrai à votre question par une autre question : quand j’ai connu Martine Aubry – à l’époque nous étions ensemble dans l’aventure delorienne – jusqu’à il y a une quinzaine d’années, elle était au moins autant sociale-libérale que DSK et moi-même. J’ai le sentiment qu’elle est aujourd’hui très largement dans une posture liée à ses fonctions, d’abord de ministre des trente-cinq heures, auxquelles elle ne croyait pas jadis, puis de première secrétaire d’un Parti socialiste encore très archaïque.

Je pense que DSK serait le cas échéant confronté au même hiatus entre ce qu’il pense et ce qu’on attendrait de lui comme candidat ou comme élu. Cela dit, je dois saluer sa lucidité, et celle aujourd’hui encore de personnalités socialistes comme Michel Rocard, sur le dossier des retraites où il a su se démarquer, à l’instar d’ailleurs de Manuel Valls et de quelques autres trop rares socialistes, de la position incompréhensible et démagogique du Parti socialiste.

Rappelez-vous que Martine Aubry avait fait de même avant d’être obligée de se reprendre pour rester dans la ligne radicale dans laquelle semble s’enliser le Parti socialiste. Le problème de DSK, quels que soient son talent, sa lucidité et son regard sur le monde, que je peux souvent partager même aujourd’hui, est bien là.

Alfred : C’est la raison pour laquelle vous avez rejoint l’UMP ?

Jean-Marie Bockel : Je n’ai jamais rejoint l’UMP, et je ne rejoindrai jamais l’UMP. La Gauche moderne, comme le Nouveau Centre, est une des deux formations de la majorité distinctes de l’UMP et sans double adhésion. Je suis un allié de l’UMP et de la majorité, libre et indépendant, libre de partir si je ne suis plus d’accord. Mon soutien, même s’il est parfois critique, n’en a que plus de valeur. Je suis persuadé que Nicolas Sarkozy, que je soutiendrai en 2012 parce que je crois dans la démarche de réformes justes qu’il a engagée et que je souhaite, avec l’énergie qui est la sienne et avec la vision qu’il a du monde et de notre société, qu’il puisse les poursuivre, qu’il ne pourra l’emporter que si l’aile gauche de la majorité, que mon parti, la Gauche moderne, est seul à structurer politiquement, a pleinement sa place et dans la majorité aujourd’hui, et dans la campagne électorale demain.

Ma position n’est pas toujours facile, que ce soit au sein du gouvernement ou dans la majorité, mais l’allié loyal que je suis a la conviction que nous pourrons, dans les deux années à venir, conforter cette position d’aile gauche, la faire comprendre mieux, tant au sein de la majorité que dans le pays, et constituer, dans la perspective de 2012, un marqueur pour une partie de l’électorat de gauche et de centre gauche, que leurs aspirations – et notamment la justice sociale –, leurs idées, leurs sensibilités, ont davantage leur place dans cette majorité, aux côtés de ce président, qu’au Parti socialiste tel qu’il est encore aujourd’hui. Et je sais de quoi je parle.

Chat modéré par Eric Nunès et Samuel Laurent

Le Monde.fr
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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 23:46
 

Périmètre de protection des MIN
Libéralisation du commerce ou intérêts (très) particuliers ?


La bataille autour des Marchés d'Intérêt National (MIN) n'est pas terminée. Le périmètre de protection des MIN supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale à la demande du groupe Metro (1), a été rétabli au Sénat. L'Assemblée a en suite adopté, en seconde lecture, une position de repli subtile mais tout aussi critiquable : le régime dérogatoire initialement prévu fait place à un régime d'autorisation sans véritable régulation... Les sénateurs qui réviseront cette copie à partir du 12 juillet, devront donc veiller à voter un texte qui n'impose pas une concurrence déloyale aux entreprises soumises aux contraintes légales des MIN, au profit de ceux qui ont pu s'y soustraire. Il sera nécessaire, ensuite, de faire toute la lumière sur la façon dont une telle modification de la loi a pu être envisagée et avec quelles méthodes et complicités le groupe Metro a pu espérer arriver à ses fins.

Le Cerf plaide de son côté pour le maintien des MIN, et donc des périmètres de protection, en raison des nombreux avantages que ce système présente pour les consommateurs, les commerçants, les grossistes et les producteurs : la garantie de la diversité, de la qualité et de la sécurité des produits pour le consommateur, en raison de la traçabilité et de la facilité des contrôles sanitaires ; la garantie d'une rapidité de distribution des produits frais partout en France et dans le monde grâce à une intégration logistique performante ; la garantie de l'accès au marché pour les petits producteurs et grossistes ; la garantie de la diversité des fournisseurs pour les commerçants...

Cependant, le Cerf est favorable à une évolution du système actuel des MIN : la liberté d'installation à l'intérieur des MIN doit être une réalité. En clair, cela signifie l'extension et/ou la création de nouveaux MIN si nécessaire. Cela implique surtout la suppression du système dérogatoire actuel qui permet de contourner le périmètre de protection des MIN, d'une part, favorisant l'implantation de groupes de la grande distribution, et la suppression des autorisations de revente à perte, d'autre part, qui se fait, au final, au détriment de la filière professionnelle et du consommateur. Ainsi, tous les grossistes seraient logés à la même enseigne et la concurrence déloyale n'aurait plus cours. D'autres questions pourront alors venir sur la table : celle des loyers payés par les utilisateurs des MIN et, plus généralement, des différents obstacles à l'amélioration du service rendu au client.

Le Cerf s'étonne enfin surtout de l'acharnement de certains députés à supprimer le régime de protection des MIN, alors que l'entrave au commerce et les effets d'entonnoir proviennent en fait essentiellement des cinq centrales d'achats de la grande distribution qui agissent en « super MIN » non régulés. Passage obligé pour accéder au marché, elles en limitent de fait l'accès aux petits producteurs et sont à l'origine des positions dominantes et des multiples dérives dans les pratiques commerciales (2)... Le Cerf avait mis la commission Attali au défi de proposer de rétablir véritablement la concurrence sur ce point (3). La saisine pour la deuxième fois de la commission, dans ce contexte, conduira peut-être plus de lucidité et de courage. La concurrence doit être rétablie à l'entrée des magasins : cela nécessite la suppression du lien d'exclusivité qui existe entre les centrales d'achat et les réseaux de distribution, ouvrant donc la possibilité à toute enseigne, et même tout commerçant, de s'approvisionner auprès du fournisseur de son choix et non auprès de la centrale à laquelle elle est de fait liée. Les députés seraient donc bien inspirés de s'attaquer à ces oligopoles, bien plus dommageables que l'organisation des MIN, qui empoisonnent toute la filière et nuisent tant aux producteurs qu'au pouvoir d'achat du consommateur.


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28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 00:30

 

Dans les Alpes-Maritimes, le contrat de responsabilité parentale est financé par la baisse des crédits consacrés à l’aide éducative.

 

Tandis que, sur les instances du Président de la République, est présentée à l’Assemblée Nationale une proposition de loi relative à rendre plus automatique la suspension des allocations familiales pour les parents dont les enfants font preuve d’absentéisme scolaire, l’auteur de cette proposition de loi, le député Eric Ciotti, met en place à grande échelle, dans le département dont il est le Président du Conseil Général, le contrat de responsabilité parentale. Il donne ainsi de l’ampleur à une initiative revendiquée avec fierté par son prédécesseur, l’actuel maire de Nice, Christian Estrosi.

Ces deux mesures, qui s’articulent entre elles –la suspension des allocations familiales venant sanctionner le refus par les parents de collaborer au contrat de responsabilité parentale qui leur est « proposé »-, se veulent emblématiques de la volonté de certains élus de modifier en profondeur le paysage de la politique sociale de notre pays. Il convient d’être particulièrement attentif à ce qui se passe dans le laboratoire expérimental des Alpes-Maritimes, dans la mesure où ces dispositifs préfigurent ce qui pourrait être généralisé par la suite dans beaucoup d’autres départements.

Notons de suite que ces mesures ont déjà fait l’objet d’une décision législative[1], sans soulever l’enthousiasme. Elles n’ont encore trouvé que peu d’échos auprès de ceux censés les mettre en œuvre, tant elles apparaissent injustes et bien peu efficaces d’une part, peu conformes aux fondements de l’aide éducative et sociale d’autre part. Pour notre part, nous affirmons que la mesure de suspension des allocations familiales est injuste à plusieurs titres :

 

 

-         Elle pénalise des familles déjà fragilisées, dont beaucoup sont elles-mêmes dépassées par le comportement de leur enfant. Une majorité de parents ne sont pas complices de l’absentéisme de leurs enfants. Ils sont souvent débordés, perdus… Sont-ils responsables de la dérive de leurs enfants ? En sont-ils les seuls responsables ?

 

-         Elle est par ailleurs fortement inégalitaire, n’asphyxiant que les familles pauvres…et celles qui touchent des allocations.

 

-         Elle repose sur une conception réservant les allocations familiales aux seuls « bons parents » au détriment des « mauvais parents ». Elle contribue à une stigmatisation négative de ces derniers et tend à considérer les allocations familiales, non comme une contribution à la charge que représente un enfant mais comme une récompense, ce qui n’est pas conforme, ni au droit français, ni au droit européen.

 

 

 

 

La proposition d’une nouvelle loi en la matière vise à rendre encore plus expéditive la mise en œuvre de la suspension des allocations, par une automaticité de la sanction. Grandement préjudiciable à l’analyse des causes des difficultés des familles et à leur résolution ainsi qu’à  un accompagnement éducatif personnalisé et adapté aux circonstances globales qui les génèrent, ce durcissement de la loi initiale ne peut que susciter des critiques amplifiées par rapport aux opinions premières.

Le plus grave est à venir. Car, sur le fondement idéologique de la responsabilité individuelle des familles, le Conseil Général des Alpes-Maritimes est en train de totalement détourner l’esprit et la lettre des actions en faveur de la protection de l’enfance, telles qu’elles ont fait quasi consensus durant un demi-siècle. Il s’agit, non seulement d’instaurer des mesures de contrôle social des populations dites « déviantes » et de répression des comportements parentaux, mais de les substituer aux mesures éducatives et sociales jusqu’ici développées pour venir en aide aux familles en difficulté.

Ainsi, pour financer l’objectif de 300 contrats de responsabilité parentale, les services du Conseil général viennent d’annoncer la baisse de 25% des mesures d’Aide Educative à Domicile (elles passeront de 800 à 600) et de 37,5% des moyens en personnel pour les mettre en œuvre. Atteinte est ainsi portée à une mesure qui constitue une aide et un soutien véritable aux familles en difficulté.

Pour les mêmes raisons, les crédits dévolus à la prévention spécialisée vont diminuer de 15% tandis que les associations gérant ces services vont devoir réaffecter à des affectations d’une autre nature ces éducateurs chargés d’une mission de lien social et d’animation dans certains quartiers sensibles, dans le respect de l’anonymat et de la libre adhésion des jeunes. Il leur est demandé, d’ici le mois de septembre, de redistribuer leurs éducateurs (actuellement 3 par équipe) à raison de 2 éducateurs mis à disposition de chacun des 33 collèges du département rencontrant des problèmes d’absentéisme ou de discipline. Ces éducateurs devront travailler en périphérie de ces établissements, tandis qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux sera installé un agent de police judiciaire… ! Que deviendront les principes de libre adhésion et d’anonymat des jeunes ? Quelle sera la mission de ces éducateurs ? Seront-ils les supplétifs de la police ? Serviront-ils à combler la carence criante en surveillants scolaires ? Comment les maires accepteront ce déplacement des intervenants sociaux qui, pour partie, quitteront les quartiers et abandonneront les actions éducatives qu’ils y animent ?

 

Le Carrefour National de l’Action Educative en Milieu Ouvert, en tant que porteur des préoccupations et des aspirations éthiques des travailleurs sociaux qui consacrent leur activité professionnelle à l’aide aux familles en difficulté et à la protection des enfants vivant en famille condamne fermement cette entreprise de démantèlement des formes les plus reconnues de l’action éducative et sociale en faveur de la protection de l’enfance.

Nous revendiquons le développement d’une action éducative et sociale visant à développer et soutenir les potentialités des familles qui s’inscrive clairement et résolument dans un souci de reconnaissance et de restauration des fonctions parentales, et donc qui s’oppose à toute notion de sanction des comportements parentaux. De ce point de vue, l’aide contrainte doit impérativement demeurer sous le contrôle de l’autorité judiciaire, seule autorité, qui, à nos yeux, devrait être habilitée à intervenir pour limiter le droit des parents et les sanctionner s’il y a lieu.

Nous refusons de voir transférer la responsabilité collective des dysfonctionnements sociaux sur la seule responsabilité individuelle des familles, dans une logique de culpabilisation et de stigmatisation des publics les plus en difficulté. Nous avons parfaitement conscience que le travail social se trouve au cœur des tensions entre carences de la société et responsabilités individuelles des familles. Et c’est bien dans cet « entre deux » que nous entendons demeurer.

Nous refusons une politique de prévention de la délinquance fondée sur une approche essentiellement répressive qui méconnaît que la délinquance se nourrit du terreau des carences collectives.

Nous demandons l’abandon des coups médiatiques qui accompagnent chaque fait divers d’une modification des lois et règlements, au profit d’une politique continue d’amélioration de l’emploi, du logement, de la santé, et de l’insertion sociale en faveur de l’ensemble de la population et donc des publics les plus vulnérables.

Nous appelons les élus, les associations d’action sociale, les professionnels concernés et tous les citoyens épris de justice et de solidarité à la vigilance vis-à-vis d’une dérive idéologique qui modifie singulièrement les relations entre la société et les individus qui la composent au travers de la stigmatisation des comportements parentaux et ouvre ainsi la voie à l’organisation d’une véritable police des familles par un dévoiement du travail social.

                                                        Carrefour National de l'Action Educative en Milieu Ouvert



[1] Article 21 de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance modifiant l’article 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles

 

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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 12:17
Ancien Premier ministre de François Mitterrand, Michel Rocard dit et répète à l’envi qu’il est socialiste – ou plutôt social-démocrate. Il est aussi Rocard, et entend le rester : un homme à part.

Michel Rocard Michel Rocard © SIPA

Qu’on se le dise : c’est son credo, son destin, son statut. Mais le social-démocrate Rocard ne change pas avec l’âge : au-dessus de tout, il place la pensée libre, fût-elle dérangeante. Traduction : quand il félicite Eric Woerth pour son « courage » (dans l’affaire des retraites) ou quand il reproche à Martine Aubry de s’enfermer, sur la question des 60 ans, dans une posture archéo, cela ne veut nullement dire qu’il change de camp, qu’il passerait de gauche à droite.

France-Soir. Il y a vingt ans exactement, vous commandiez le premier Livre blanc sur les retraites. Qu’est-ce qui vous poussait, dès cette année-là, à entamer cette démarche ?
Michel Rocard.
Je suis alors Premier ministre et je m’aperçois, s’agissant des retraites, que les enjeux sont terrifiants. Il était déjà évident que le coût du système était en augmentation vertigineuse et qu’on ne pouvait pas en rester là. Mais je pense depuis cette époque qu’aucun gouvernement n’a une légitimité suffisante pour décider en la matière tout seul. Le bon moyen de s’en sortir – le seul moyen –, c’est la négociation de contrats qui doivent associer l’Etat, les employeurs et les salariés.

F.-S. Comment vous y prenez-vous ?
M. R.
J’appelle le patronat, la CFDT et Force ouvrière pour leur demander s’ils seraient d’accord pour établir un diagnostic commun, complété d’une boîte à outils. Ils répondent positivement. Quand l’INSEE achève le Livre blanc, en 1990, je leur envoie donc le travail, et j’obtiens leur accord sur le diagnostic et sur la boîte à outils. La deuxième étape a été le lancement d’une mission de dialogue sur les retraites, confiée au secrétaire général des cadres de Force ouvrière, Robert Cottave, flanqué de trois hauts fonctionnaires. Leur mission : organiser partout en France des débats sur l’avenir du système de retraite. Je leur ai dit : « Je vous donne deux ans pour qu’il n’y ait plus en France un seul syndicaliste qui ose nier les chiffres. ». J’avais en même temps annoncé que la troisième étape serait l’ouverture des négociations entre le patronat, les syndicats et l’Etat, et que la quatrième serait la ratification de cette négociation par la loi.

F.-S. Alors, qu’est-ce qui a coincé ?
M. R.
La mission a admirablement travaillé. Mais j’ai dû démissionner le 15 mai 1991. J’ai alors été remplacé par Mme Cresson, dont le principe était simple : « Rocard a mal gouverné, donc il faut faire le contraire de ce qu’il a fait. » Elle a donc mis fin au travail de la mission, puis n’a plus rien fait sur le sujet.

F.-S. Pierre Bérégovoy lui a assez vite succédé…
M. R.
Mon ami Bérégovoy pas eu le temps de faire quoi que ce soit, puis nous avons perdu les élections de 1993. Balladur, devenu Premier ministre, note que la progression lente du déficit du régime des retraites se fait sentir. Il s’aperçoit aussi que l’opinion a bien changé, grâce à mon boulot. Il prend fin juillet – par décret et par la loi – des mesures de rééquilibrage. Il traite ainsi le problème du déséquilibre comptable pour dix à quinze ans. Mais il a brisé en même temps tout goût pour la négociation chez les partenaires sociaux. Car la décision de « boucler » le problème par la loi et le décret sans autre consultation a cassé ma démarche, a déconsidéré les responsables syndicaux et a encouragé les positions jusqu’au-boutistes.

F.-S. A la lumière de votre expérience, comment jugez-vous la réforme d’Eric Woerth ?
M. R.
C’est une réforme non négligeable et courageuse. Le gouvernement a eu raison de la faire. Je suis socialiste, je le reste, mais je le dis : Eric Woerth est un type bien, qu’il faut défendre. En tant que social-démocrate, je regrette, en revanche, que le gouvernement n’ait pas suivi la voie de la négociation. Il est quand même passé en force, même s’il bénéficie du fait que l’opinion est devenue plus sérieuse, plus responsable, un peu mieux informée. Reste que beaucoup de problèmes ne sont pas tranchés. Pour commencer, les régimes spéciaux ne sont pas touchés. Or c’est un morceau énorme.

F.-S. Vous a-t-on demandé vos conseils ?
M. R.
Oui. Les deux ministres du Travail successifs, Xavier Darcos puis Eric Woerth, m’ont convié à venir leur parler. Comme je suis démocrate, j’accepte les invitations. J’ai insisté auprès d’Eric Woerth : « Il faut négocier. » Sa réponse a été : « Mais ils ne veulent pas négocier ! » Je crains qu’il ait raison, à cause du piège que Fillon et Raffarin ont tendu à la CFDT il y a cinq ans. Cela se paie aujourd’hui.

F.-S. Quand François Mitterrand a décidé d’abaisser l’âge légal de la retraite de 65 à 60 ans, en 1981, vous étiez présent lors de ce fameux Conseil des ministres…
M. R.
Oui. Et, autour de la table, tous les ministres en charge de l’économie – même Fabius et surtout Delors – étaient effondrés, décomposés. Moi aussi. Mais il s’agissait de faire plaisir au Parti communiste et de magnifier le caractère social du gouvernement ! Le résultat a été la sacralisation de ce chiffre de 60 ans. Depuis, nous sommes encombrés d’un symbole alors que ce chiffre est, au fond, le moins significatif de tous les paramètres, même si c’est le plus visible.

F.-S. Pour vous, il aurait donc mieux valu ne pas s’en prendre aujourd’hui à ce « symbole » ?
M. R.
Eh ! Pourquoi agiter un drapeau rouge devant le taureau au lieu de contourner le problème ? C’était d’ailleurs une des conditions posées par la CFDT pour négocier : ne touchez pas à l’âge légal, et on se débrouillera avec le reste. Mais cela avait un inconvénient pour le gouvernement : ôter de la visibilité au résultat final. Pourtant le fond de l’affaire est connu : il faudra un jour arriver à une retraite à la carte, avec une cessation progressive d’activité.

F.-S. Le bilan de la réforme Woerth, c’est tout de même, pour vous, positif ?
M. R.
Au total, avec cette réforme, nous allons gagner un répit de dix ans sur le plan comptable. Ce n’est pas rien dans cette période d’inflation énorme, de déficits et de dette. Mais la contrepartie, c’est que la négociation n’est décidément plus un instrument de travail dans le dialogue social. Je trouve cela terrible.

F.-S. Le PS s’oppose à la remise en question des 60 ans et affirme qu’il reviendra dessus en cas de victoire en 2012…
M. R.
Le PS a du mal à devenir ce qu’il devrait être profondément : un parti social-démocrate. C’est un peu le parti faible dans l’Internationale sociale-démocrate. En faisant de l’âge légal un symbole, le PS est encore en train de se tromper de combat. Pour moi, c’est une des premières fautes de Martine Aubry qui, par ailleurs, fait du bon boulot. Pour ce qu’elle fait, je la défends plutôt. Mais là, elle a commis une erreur. Elle a été trop sensible au poids d’un symbole. Or on ne négocie pas sur les symboles, on les abandonne. Je crois que le PS se bloque sur une carte perdante. Quant à faire reposer les retraites sur la fiscalité, c’est absurde et « dangerosissime ». Je parlerai même d’imbécillité. Il faut absolument que le régime des retraites s’auto-équilibre. Il n’y a pas d’autre solution.

F.-S. Faudra-t-il une nouvelle réforme des retraites dans dix ans ?
M. R.
Dans dix ans, ou peut-être avant, je ne sais pas. Une certitude : le problème des retraites reste devant nous. D’autant que nous ne sommes pas sortis de la grande crise. Nous n’en avons traité qu’une petite partie, et mal : les banques reconquièrent leur pouvoir. Rien sur les paradis fiscaux, rien sur les produits dérivés. C’est effrayant. Nous allons donc vers des coups durs économiques fréquents dans un contexte de croissance lente. Dans ces conditions, le poids des régimes de retraite va devenir assez vite intolérable, une fois absorbé l’allégement temporaire signé Woerth-Sarkozy-Fillon.

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